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Le problème de l’existentialisme : les vérités universelles

L’existentialisme est une philosophie qui met l’accent sur la liberté individuelle, le choix et la responsabilité de créer du sens dans un monde qui peut sembler intrinsèquement dépourvu de sens. Il remet en question l’idée de vérités universelles, affirmant que le sens n’est pas donné, mais doit être forgé par chaque individu à travers ses actions et ses croyances.

Nietzsche et les idées de Sartre sur la création des propres valeurs découlent d’un rejet des vérités absolues et des sources externes de sens, comme la religion ou les codes moraux universels. Ils croyaient que, en l’absence d’un ordre divin, l’humanité devait construire son propre sens pour vivre authentiquement, ce qui contient une part de vérité.

Bien que cette philosophie soit émancipatrice, les critiques soutiennent qu’elle présente d’importants défauts lorsqu’elle est appliquée universellement. Voici pourquoi certains disent qu’ils se trompaient, et pourquoi la création de systèmes de valeurs individuels est problématique :

1. Interdépendance humaine et valeurs partagées

Le défaut : L’homme est un être social, profondément interconnecté avec autrui. Une société où chacun crée ses propres valeurs risque de sombrer dans le chaos. Sans un cadre moral commun, il n’y a pas de moyen de résoudre les conflits entre des valeurs concurrentes.

Pourquoi nous ne pouvons pas créer nos propres valeurs : Les systèmes de valeurs personnels entrent souvent en conflit les uns avec les autres, et sans normes partagées, il n’y a pas de terrain d’entente pour la justice, la coopération ou la construction de la communauté. Le relativisme absolu mine la possibilité d’une harmonie sociétale.

2. Manque de standards objectifs

Le défaut : Les vues de Nietzsche et de Sartre rejettent l’existence de vérités morales objectives, mais cela crée un paradoxe. Si toutes les valeurs sont subjectives, aucun système de valeurs – y compris le leur – ne peut revendiquer une validité supérieure à un autre, même ceux qui promeuvent des actes nuisibles ou oppressifs.

Pourquoi nous ne pouvons pas créer nos propres valeurs : Sans standards objectifs, il est impossible de déterminer si un ensemble de valeurs choisi est véritablement « bon ». Par exemple, si quelqu’un crée un système de valeurs basé sur l’exploitation ou la cruauté, sur quelles bases le condamnerait-on ? Un cadre purement subjectif mène au nihilisme moral.

3. Fardeau de la responsabilité

Le défaut : L’idée de Sartre sur la liberté radicale et l’obligation de créer ses propres valeurs est existentialement accablante. La plupart des gens ont du mal à définir le sens de leur vie sans guidance externe, ce qui entraîne de l’anxiété, de la paralysie ou du désespoir.

Pourquoi nous ne pouvons pas créer nos propres valeurs : Construire un système moral personnel à partir de rien nécessite une conscience de soi profonde, une rigueur philosophique et un courage moral. Beaucoup de gens ne sont pas équipés pour supporter un tel fardeau, ce qui peut entraîner de l’instabilité et de mauvais choix. Les systèmes établis de valeurs fournissent un cadre éprouvé qui allège ce poids existentiel. Si nous pouvions vraiment créer nos propres valeurs, nous serions en mesure de justifier l’hédonisme et d’éliminer la culpabilité, ce qui est loin d’être le cas.

4. L’illusion de l’individualisme

Le défaut : Les deux philosophes supposent que les individus peuvent se détacher des influences sociétales, culturelles et biologiques lorsqu’ils construisent leurs valeurs. Cependant, notre sens de soi et de la morale est profondément façonné par des facteurs externes comme la famille, l’histoire et la culture.

Pourquoi nous ne pouvons pas créer nos propres valeurs : Même lorsque nous croyons créer nos propres valeurs, nous sommes souvent influencés inconsciemment par des normes sociétales ou des biais personnels. Cela fait de l’« individualisme radical » plus une illusion qu’une réalité.

5. Perte de transcendance

Le défaut : La déclaration de Nietzsche sur la « mort de Dieu » et le rejet par Sartre de l’ordre divin laissent l’humanité sans transcendance ni sens supérieur. Cela peut entraîner du désespoir ou du relativisme moral, car les gens manquent d’un but ultime ou d’un principe directeur au-delà d’eux-mêmes.

Pourquoi nous ne pouvons pas créer nos propres valeurs : Les valeurs liées à la transcendance – que ce soit à travers la religion, la spiritualité ou des vérités morales universelles – offrent un sens et un but au-delà de l’individu. Sans cela, les valeurs auto-créées semblent souvent vides, conduisant à un vide existentiel, du nihilisme, du cynisme et du ressentiment.

6. Le problème du pouvoir

Le défaut : L’accent mis par Nietzsche sur la « volonté de puissance » comme moteur de la création des valeurs risque de justifier la domination, l’oppression et l’exploitation. En pratique, ceux qui ont plus de pouvoir peuvent imposer leurs valeurs subjectives aux autres.

Pourquoi nous ne pouvons pas créer nos propres valeurs : Une société où chacun crée ses valeurs favoriserait en fin de compte les plus forts au détriment des plus faibles, car les dynamiques de pouvoir façonneraient inévitablement les valeurs dominantes. Cela mine l’égalité et la justice.

7. Les limitations humaines inhérentes

Le défaut : Tant Nietzsche que Sartre placent une grande confiance dans la raison humaine et la volonté. Cependant, les humains sont imparfaits, émotionnels et souvent irrationnels. L’idée que les individus prennent systématiquement des décisions sages et éthiques est idéaliste.

Pourquoi nous ne pouvons pas créer nos propres valeurs : Les systèmes moraux établis fournissent des repères précisément parce que les humains sont sujets à l’erreur. Compter uniquement sur le jugement personnel conduit souvent à l’égoïsme, à la myopie et à des actions nuisibles envers les autres.

Le crime et le châtiment de Dostoïevski

Raskolnikov, le personnage central du roman Crime et Châtiment de Dostoïevski, représente la lutte intense entre idéologie et moralité. À bien des égards, il tente d’incarner la philosophie nietzschéenne en construisant son propre ensemble de valeurs. Ancien étudiant accablé par la pauvreté, il formule une théorie affirmant que les individus extraordinaires ont le droit de transcender les normes sociales et de commettre des actes moralement douteux si cela sert un but plus élevé.

Cette croyance le conduit à tuer une usurière, qu’il juge être un parasite indigne de vivre. Cependant, la justification intellectuelle de Raskolnikov s’effondre rapidement sous le poids de la culpabilité et du tourment psychologique, exposant le fossé entre son idéologie froide et rationnelle et les lois morales inhérentes à sa conscience.

Sa descente dans la paranoïa et le désespoir révèle l’exploration de Dostoïevski de l’âme humaine, luttant avec les limites du rationalisme et la présence indéniable de la justice divine. En fin de compte, le voyage de Raskolnikov vers la rédemption met en lumière la nécessité de l’humilité, du repentir et de la reconnaissance des vérités morales universelles, contrastant fortement avec son point de vue nihiliste antérieur.

Pourquoi nous ne sommes pas autonomes en ce qui concerne les valeurs ?

Nous ne pouvons pas simplement choisir nos valeurs, car elles sont profondément ancrées dans la nature humaine et façonnées par des forces extérieures échappant à notre contrôle.

Ce que nous admirons, ce que nous désirons poursuivre ou ce que nous trouvons beau semble moins une décision consciente qu’une révélation de notre disposition intérieure, façonnée par la biologie, la culture, l’éducation et les expériences. Par exemple, nous ne pouvons pas nous forcer à admirer quelque chose que nous trouvons peu inspirant ou poursuivre quelque chose avec lequel notre cœur ne résonne pas, peu importe combien nous essayons rationnellement de nous convaincre. C’est pourquoi les étudiants, bien qu’ils choisissent leur cursus, n’arrivent pas à trouver la motivation de lire certains ouvrages académiques.

Le goût fonctionne également dans un domaine au-delà de la pure logique ; il se révèle de manière organique, souvent mystérieuse, reflétant à la fois les tendances innées et les influences inconscientes. Cette incapacité à dicter nos valeurs montre l’interaction plus profonde, souvent cachée, entre ce que nous sommes et le plus grand contexte du monde qui nous entoure.

Révélation de nos valeurs

Les valeurs ne sont pas créées, elles sont découvertes, souvent à travers l’expérience, l’introspection et l’engagement avec le monde qui nous entoure. Elles émergent au fur et à mesure que nous naviguons dans les défis de la vie, observons la beauté, confrontons la souffrance et luttons avec des dilemmes moraux. Par exemple, nous n’inventons pas l’admiration profonde que nous ressentons pour des actes de courage ou d’altruisme—elle se révèle lorsque nous sommes témoins de tels actes et reconnaissons leur valeur intrinsèque.

De même, des valeurs comme l’honnêteté, la bonté ou la justice résonnent avec quelque chose de fondamental en nous, comme si elles étaient des vérités attendant d’être découvertes plutôt que des constructions que nous inventons consciemment. Ce processus de découverte suggère que les valeurs font partie d’un ordre moral, esthétique ou existentiel plus grand, un ordre auquel nous accédons au fur et à mesure que nous grandissons, apprenons et cherchons du sens dans la vie. En ce sens, les valeurs agissent comme des étoiles dans le ciel nocturne—constantes, guidant, et révélées à nous lorsque nous levons les yeux pour les chercher.

Un contrepoint philosophique

Si nous devions prendre une philosophie plus enracinée dans des valeurs humaines partagées, comme celles proposées par Aristote dans l’éthique de la vertu, on se rend compte qu’un cadre de valeurs n’est pas simplement individuel mais profondément communautaire. Le bien-être humain, selon Aristote, est mieux atteint par des vies consacrées à la vertu au sein de la communauté. Nous ne sommes pas isolés dans la création de nos valeurs, mais connectés à un tissu moral plus vaste. Le sens que nous trouvons dans nos actions et nos choix émerge dans la relation avec les autres et l’épanouissement collectif de la société.

Cela soulève la question : Si nous avons la capacité de créer nos propres valeurs, devons-nous vraiment oublier les héritages philosophiques et spirituels qui nous ont précédés, et qui ont survécu aux épreuves du temps ?

Le chemin du milieu : Croissance personnelle au sein des vérités universelles

L’existentialisme peut nous aider à différencier les constructions sociétales des vérités plus profondes. Cependant, son principal défaut réside dans l’hypothèse que l’humain est une table rase. Bien que le monde puisse sembler indifférent à nos systèmes de valeurs, en tant qu’êtres humains, nous ne pouvons pas vivre sans une forme de filtre ou de cadre inhérent à travers lequel nous interprétons nos expériences afin de leur donner un sens.

Ce cadre doit, par sa nature même, transcender nos croyances intellectuelles personnelles. Il ne s’agit pas simplement d’une construction de nos esprits individuels, mais d’une structure plus profonde et plus universelle qui guide notre compréhension du monde. Il sert de fondation sur laquelle nous construisons nos perceptions, nos actions et nos valeurs, dépassant les limitations de nos points de vue subjectifs.

Ce cadre transcendant est ce qui nous permet de naviguer dans la vie de manière à nous aligner avec quelque chose de plus grand que nous-mêmes, offrant un sens de cohérence et de signification qui va au-delà de la simple préférence personnelle ou du raisonnement intellectuel. Sans lui, nos choix et nos croyances ne seraient rien de plus que des points de vue fugaces et arbitraires.

Par exemple, même les scientifiques et les existentialistes croient en une vérité ultime comme la valeur suprême ; sinon, leur philosophie s’effondrerait en une simple vision subjective sans sens.

Plutôt que de rejeter complètement les cadres moraux partagés, nous pouvons chercher un équilibre :

  • Chercher l’authenticité et la croissance personnelle tout en respectant des principes universels comme la justice, la compassion et la vérité.
  • Questionner les valeurs de manière critique, mais viser à s’aligner avec des vérités supérieures et transcendantales qui unissent plutôt que de diviser.

Ce chemin du milieu respecte les forces de leurs philosophies tout en évitant les pièges du relativisme absolu et du nihilisme.

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Written by dudeoi

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