Aujourd’hui, nous allons analyser un court-métrage sur YouTube qui a récolté plus de 2 millions de vues. Notre objectif est de comprendre ce qui rend ce microfilm si percutant et de décomposer les éléments qui ont contribué à son succès.
L’objectif de cet exercice est d’identifier ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas en analysant un morceau court mais efficace, dans le but d’obtenir des résultats similaires à l’avenir.
Le court-métrage
L’intrigue
L’intrigue est simple mais très efficace. Un oiseau de nuit roule à vélo jusqu’à une station-service à 2h du matin pour acheter une boisson caféinée. Lorsqu’il ressort, son vélo a disparu.
Analyse technique rapide
La durée du micro-film est d’environ 2 minutes et il compte environ 12 plans. Je pense que ce format est parfait pour l’entraînement. Voici quelques-uns des petits détails :
- La station-service est superbe
- La station-service a une ambiance cinématographique américaine
- Chaque plan est composé avec énormément de soin
- Chaque plan est créatif et presque parfait
- Le placement des personnages est complexe et bien exécuté
- La musique correspond parfaitement à l’ambiance
- Le montage sonore, bien que simple, est très propre
- La correction des couleurs correspond à l’ambiance cinématographique avec une teinte froide verte
- Le filtre de brume pour l’effet cinématographique de lumière diffuse ajoute à l’ambiance
- Le montage sonore est simple mais efficace
- Le rythme est très délibéré
- Il y a une sensation de mystère
Équipement
Tournée avec une Sony FX3, un Sony 24-70mm GM II et un Pro Mist filter
Analyse approfondie
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Le film commence par un écran noir, laissant les sons ambiants et la musique installer l’ambiance durant les quatre premières secondes. Au début, on entend le bruit du trafic ou un bruit blanc provenant du lieu, suivi par l’introduction progressive de la musique. Ce choix est intéressant car il établit subtilement le rythme du film, signalant un tempo lent et contemplatif.
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Le premier cadre est introduit avec un effet sonore subtil. Ce plan sert de plan d’établissement, soigneusement composé en trois sections distinctes : le ciel sombre, la station illuminée et le béton ombragé.
Dès ce plan, la qualité cinématographique est évidente : les lumières éclatantes qui fleurissent, la légère teinte bleu-verte qui s’harmonise avec l’éclat jaune chaud, et la présence frappante du rouge tout au long de la composition.
Le City Mart, qui est le sujet principal, est positionné légèrement à gauche, hors du centre. Cependant, cette composition fonctionne bien car elle crée de l’espace du côté droit du cadre, permettant au personnage principal d’entrer en douceur en roulant à vélo.
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Le cadre présente des poches de lumière distinctes, ajoutant de la profondeur et de l’intérêt visuel. Au fur et à mesure que la scène se déroule, les effets sonores entrent en jeu, en particulier le bruit des roues du vélo. Bien que cela ne soit pas totalement réaliste, cela renforce efficacement la présence du vélo et l’immersion dans la scène.
J’apprécie que le premier plan soit fixé sur un trépied. À une époque où la plupart opteraient pour des mouvements de caméra pour créer de l’engagement, ce choix semble intentionnel—ancrant le plan d’établissement et lui permettant de durer. Il met en valeur le contraste entre le rythme effréné du style TikTok et le tempo plus délibéré de la narration cinématographique.
Le personnage principal n’entre pas simplement dans le cadre ; il interagit aussi avec l’éclairage au-dessus dans l’environnement, ajoutant de la profondeur et de l’intérêt visuel au plan. Bien que ce plan puisse paraître simple, le défi réside dans le fait de le rendre fluide, ce qui nécessite plusieurs prises, surtout dans un environnement quelque peu public. Maintenant, imaginez devoir faire cela 10 ou 20 fois, et vous pourrez apprécier à quel point il est difficile de capturer le plan parfait.
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Le deuxième plan est un plan de suivi qui se transitionne parfaitement en termes de timing et de position. La composition est encore une fois très agréable, avec les lignes répétitives des pompes à essence et les lumières au plafond. Le magasin de la station-service est également présent dans le plan pour donner un sens de destination.
On peut observer une lumière du côté de la caméra qui éclaire le visage du personnage. Cette lumière pourrait être la lumière à vapeur de sodium du côté droit du plan d’établissement.
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Bien que ce plan semble simple, on peut constater que le suivi est incroyablement fluide, ce qui suggère qu’ils ont peut-être filmé depuis l’intérieur d’une voiture ou utilisé un autre vélo pour ce plan. Dans ces situations, il est important de s’assurer que rien ne semble déplacé. Par exemple, si une lumière était positionnée derrière la caméra, elle projeterait une ombre évidente de la voiture sur la scène.
Jusqu’à présent, la scène a été capturée avec une mise au point profonde, ce qui nécessite une composition soignée. Remarquez comment l’arrière-plan est relativement dégagé de voitures, ce qui donne à l’endroit une sensation moins encombrée.
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Ensuite, dans le troisième plan, nous voyons un autre cadre magnifiquement composé, divisé en trois parties, avec le magasin de la station à gauche qui ancre constamment l’emplacement tout en maintenant la cohérence du contraste des couleurs. Remarquez qu’à chaque transition d’un plan à l’autre, nous changeons d’au moins 90 degrés, ce qui rend le mouvement intentionnel et réfléchi.
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Ce qui rend ce plan si efficace, c’est la transition fluide d’un plan fixe à un plan panoramique, puis à un plan de suivi. La caméra reste motivée par le mouvement du personnage, rappelant un film de Fincher. De plus, l’exposition reste bien équilibrée tout au long du plan. La lumière néon subtile ajoute une légère lumière de bord au personnage alors qu’il pénètre dans le magasin.
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Dans le quatrième plan, nous passons en douceur à l’intérieur du magasin avec un plan parfaitement chronométré depuis l’intérieur. Ce qui ressort, c’est que la plupart des plans sont capturés avec un objectif grand angle, probablement entre 24 mm et 35 mm. Bien que les plans larges soient plus difficiles à composer, ils ajoutent une profondeur significative à la scène, rendant la narration visuelle plus immersive.
Je soupçonne qu’ils ont soigneusement préparé le lieu pour composer ce plan de manière méticuleuse, probablement en ajoutant une lumière supplémentaire pour s’assurer que le sujet soit bien éclairé à son entrée, tout en gardant un éclairage naturel et discret.
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Le cinquième plan est un plan-séquence, se déplaçant de manière intrigante dans la direction opposée de son mouvement précédent. Ce type de plan est particulièrement efficace lorsque plusieurs couches — premier plan, plan intermédiaire et arrière-plan — créent un effet de parallaxe, ajoutant de la profondeur et de l’intérêt visuel.
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Encore une fois, il y a un changement de 180° dans la position de la caméra, inversant la direction du mouvement du personnage, mais cela reste fluide et efficace. J’apprécie également qu’ils alternent entre des plans-séquences et des plans fixes.
La première partie du plan est divisée en deux moitiés, mais grâce à la mise en scène, elle se transforme naturellement en trois sections distinctes à nouveau. Ces choix peuvent être inconscients, mais ils fonctionnent efficacement d’un point de vue visuel.
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Le plan fixe maintient l’attention du spectateur sur le personnage et son processus de décision, dans ce cas, le choix de sa boisson. J’apprécie la manière dont le plan dure, permettant à l’action de paraître naturelle, et le fait qu’il n’ait pas à se pencher ni à se lever, ce qui garde le placement des éléments propre et précis. Notez qu’ils ont ajouté des effets sonores en post-production, ce qui apporte une touche de réalisme et de profondeur à la scène.
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Peut-être que mon plan préféré du court-métrage est celui pris de l’extérieur du magasin, en regardant à l’intérieur. D’abord, j’adore vraiment l’étalonnage des couleurs, qui donne une forte impression de lumière fluorescent. Ensuite, il y a une merveilleuse sensation de profondeur dans ce plan : à l’extérieur de la fenêtre, on voit la rangée floue de bouteilles, les produits de nettoyage sur l’étagère suivante, la rangée où le personnage marche, et enfin, l’arrière-plan avec les réfrigérateurs.
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Le plan suivant est une transition rapide vers la caisse. C’est un plan statique avec la mise au point ajustée manuellement sur la zone où le personnage va s’arrêter. Encore une fois, l’image est divisée en premier plan, plan intermédiaire et arrière-plan. Les lumières au plafond aident à créer trois sections horizontales, avec des éléments clés au premier plan, tels que la caisse et la machine à cartes, fournissant des informations importantes.
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Cela pourrait être le plan phare du court-métrage, statique avec la mise au point placée sur la bouteille de Starbucks Frappuccino. Il pourrait facilement faire office de publicité pour Starbucks. D’un point de vue analytique, il se passe beaucoup de choses dans les trois couches du cadre, ce qui donne à la mise en scène une fluidité presque digne d’un ballet.
Arrière-plan : le personnage principal amène la bouteille au comptoir.
Plan intermédiaire : l’endroit où l’échange a lieu, la bouteille est au centre de l’attention, elle est posée par le client.
Premier plan : le caissier la prend pour la scanner, on peut même voir le laser, ce qui est un joli détail.
Plan intermédiaire : il la repose sur le comptoir.
Arrière-plan : pendant ce temps, le client attrape son téléphone pour payer.
Plan intermédiaire : enfin, le client attrape la bouteille pour payer.
L’arrière-plan devient le plan intermédiaire : alors que le client tend la main pour saisir la bouteille, la mise au point suit le personnage principal qui quitte le magasin, en arrière-plan.
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Dans le plan suivant, la caméra effectue un déplacement de plus de 90°, créant une impression de passage de l’autre côté du cadre précédent. Un morceau de musique, presque comme une fausse fin, joue tandis que la caméra s’approche pendant que le personnage sort du magasin, presque comme une conclusion.
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Alors que nous nous déplaçons sur le côté du magasin, la caméra s’éloigne de la scène, servant presque de prélude à une révélation. À mesure que la caméra recule, les trois couches deviennent plus distinctes. Observez comment le personnage est constamment bien éclairé sans que cela ne semble forcé, presque comme si l’éclairage était conçu pour l’espace lui-même, plutôt que spécifiquement pour le sujet.
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L’avant-plan montre l’espace où se trouvait le vélo. J’apprécie vraiment comment l’arrière-plan est rempli d’éléments de la vie réelle, comme les voitures qui passent et les véhicules qui s’arrêtent pour faire le plein de l’autre côté de la rue. Ces petits détails ajoutent une couche de réalisme à la scène.
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Le dernier plan sert de conclusion au court-métrage, apportant la confirmation finale que sa moto a été volée. Une fois de plus, la composition est divisée en trois couches horizontales. Ce plan large est visuellement frappant, et nous apprécions comment il persiste, capturant le personnage dans un état de choc, incapable de comprendre ce qui vient de se passer.
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Il y a un sens de la comédie, avec la musique qui accompagne le coup final tandis que la scène s’estompe lentement.
Ce que nous pouvons apprendre de ce court-métrage
- Créer une histoire courte et percutante (2 minutes, 12 plans)
- Éviter d’utiliser des dialogues
- Choisir un lieu époustouflant qui soit à la fois cinématographique et authentique
- Repérer le lieu et planifier les plans pour compléter l’environnement existant
- Tourner pendant des heures calmes pour obtenir la meilleure ambiance
- Consacrer suffisamment de temps à affiner l’histoire et à prêter attention aux détails
- Dessiner un storyboard pour chaque plan et le blocage afin de garantir une parfaite cohérence
Comparaison avec d’autres courts-métrages à succès
Transmission est une prouesse technique impressionnante, utilisant un drone pour créer une expérience hors du commun, rappelant Enter the Void de Gaspar Noé. Bien que j’admire profondément ce court-métrage, je pense que ce niveau de maîtrise n’est pas facilement accessible. Il faudrait des décennies d’expérience pour réaliser un plan comme celui-ci.
A Bad Idea est un autre court-métrage brillamment conçu, alliant finesse d’esprit et exécution exceptionnelle. Cependant, sa complexité le rend difficile d’accès pour les débutants. Avec des performances solides, une maîtrise technique impressionnante et un travail minutieux—en particulier lors de la séquence précise de séparation de l’œuf—ce film s’adresse avant tout aux réalisateurs expérimentés et avancés.
Conclusion
Lorsqu’on regarde un court-métrage, on est souvent incertain de ce qui va suivre. C’est pourquoi le film commence avec un sentiment de mystère, laissant la porte ouverte à n’importe quoi : un vol, une invasion extraterrestre, ou autre. Mais à la fin du film, on découvre que c’est simplement l’histoire d’une grande déception, à laquelle beaucoup d’entre nous peuvent s’identifier.
C’est amusant de voir qu’en tant que spectateurs, nous avons d’abord remarqué que le vélo n’était pas bien attaché, mais au fur et à mesure que les scènes se déroulaient, nous avons complètement oublié ce détail — pour finalement nous en rappeler à la toute fin.
Le niveau de savoir-faire dans ce court-métrage est vraiment impressionnant. Je pense qu’ils ont fait le choix parfait en optant pour une histoire simple mais réalisable, ce qui leur a permis de se concentrer sur les petits détails. C’est ce qui, à mon avis, fait le succès de ce court-métrage.
Informations
2 AM Coffee
Talent : Abdulhaq Alrudaini
Directeur de la photographie : Robidh Basnet
Scénariste/Réalisateur : Ayush Karki
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